Actuellement, les risques que présente le stockage dans les océans sont très peu étudiés car la recherche est insuffisamment avancée. De graves lacunes sont à combler quant aux répercussions sur le milieu naturel d’injection de CO2 dans les fonds océaniques.
On peut classer les risques en cinq catégories.
→ Risque légal
L’injection du CO2 dans les océans pose un problème légal. En effet, selon la Convention de Londres (texte adopté en 1972 sur la protection de l’environnement vis-à-vis des activités humaines), il est interdit d’immerger des déchets en mer. La question est donc de savoir si le CO2 peut être considéré comme un déchet ou non. Et dans ce dernier cas, à qui appartient le CO2 enfoui ? Qui serait responsable en cas de dommages provoqués sur la faune et la flore ?
→ Risque environnemental
L’impact des techniques de stockage au fond des océans sur les écosystèmes est encore inconnu. On ne sait pas quelle est l’adaptabilité des organismes de ce milieu à un changement important de la concentration en CO2 et de l’acidité.
Ainsi, l’acidification de l’eau est probablement néfaste pour les écosystèmes marins. En effet, lors d’expériences de laboratoire ou de terrain à petite échelle, ou encore de simulations à l’aide de modèles, portant sur les options de stockage dans les océans, on a relevé une augmentation de l’acidité. Comme nous l'avons vu plus haut, dissoudre du CO2 dans l'océan fait baisser le pH de l'eau.
La formation de carbonate de calcium (Ca2+ + CO32- → CaCO3) est donc rendue plus difficile, ce qui perturbe l’écosystème marin. En effet, le carbonate de calcium est l’un des constituants essentiels utilisés par les mollusques et les crustacés pour fabriquer leur exosquelette calcaire. Le corail utilise également le carbonate de calcium.
Les effets du CO2 sur les organismes marins ont surtout été étudiés sur des espèces qui vivent près de la surface des océans. Une baisse du taux de calcification (se traduisant par une dissolution des coquilles en carbonate de chaux), de la reproduction, de l'apport d'oxygène dans l'appareil circulatoire et de la mobilité ainsi qu'une augmentation de la mortalité dans le temps ont été relevés. Chez certains organismes, ces conséquences ont été observées pour de faibles ajouts de CO2.
Par ailleurs, les conséquences varient selon la température des océans. Dans les eaux plutôt chaudes, on observe un blanchissement important des coraux, lié à une diminution du calcaire et donc à l’acidification des océans. Cette acidification a malheureusement un effet plus grave dans les eaux froides : la calcification pourrait devenir impossible dans l’océan Austral et aux abords de l’Antarctique ce qui empêcherait la fabrication d’aragonite. Or l’aragonite est une espèce minérale de la famille des carbonates de formule CaCO3, principal constituant des coquilles de ptéropodes. Les ptéropodes sont la base de l’alimentation du zooplancton, ce dernier représentant celle des animaux marins. C’est donc tout l’écosystème qui s’en trouverait perturbé.
Des calculs ont montré que le pH de la surface des eaux avait globalement baissé de 0,1. Des simulations réalisées à l'aide de modèles numériques ont montré que si du CO2 était injecté à une profondeur de 3000 mètres, la baisse du pH serait de 0,4 dans environ 1 % du volume des océans.
Selon le GIEC, l'injection de quelques gigatonnes de CO2 modifierait de manière sensible la chimie des eaux dans la zone concernée, tandis que l'insertion de centaines de gigatonnes produirait des changements plus marqués dans la zone environnante.
Il est donc essentiel d'étudier sur des périodes longues la réaction des systèmes biologiques. Il est également nécessaire de mettre au point des techniques permettant de détecter et surveiller les panaches de CO2, ainsi que leurs effets sur les plans biologique et chimique.
Des études de modélisation permettent d’anticiper certains risques et de proposer ensuite des solutions possibles. Par exemple, en 1997, une étude de modélisation s’est appliquée à prévoir les changements de pH qu’induirait l’injection du CO2 produit par une centrale à charbon de 500 MWatt (ce qui correspond à 130 kg/s de CO2). Plusieurs options d’injection sont étudiées, le cas le plus simple étant celui d’un flux unique de CO2 liquide diffusé selon un panache de micro-gouttelettes. Les résultats montrent que le pH, de 7,8 à l’origine, perdrait environ 1 unité dans une zone de plusieurs kilomètres autour du point d’injection. Cette forte variation ne peut pas être sans conséquence sur l’écosystème local. Une solution possible consiste à multiplier les points d’injection pour créer des sources à débits plus faibles ou avoir recours à des diffuseurs mobiles (pipelines plongeant des bateaux).
Avec un impact moins fort sur le pH local, ces dernières options, ainsi que le largage disséminé de blocs de CO2 solide, seraient certainement moins dommageables pour l’environnement local.
La zone la plus riche en biomasse est localisée à des profondeurs de 500 à 1000m. Cependant, il existe d’autres organismes dits benthiques vivant dans les eaux très profondes. L’option consistant à créer un lac de CO2 dans une dépression ponctuelle du fond océanique ne perturberait que ces populations mais, localement, les dommages pourraient être graves.
Enfin, un autre risque est la diminution du taux de reproduction ou de croissance de certaines espèces présentant des migrations verticales (calamars, par exemple). Une couche d’eau acide pourrait constituer une barrière et empêcher les mouvements migratoires de ces espèces.
Les études d'impact doivent être poursuivies pour évaluer les effets biologiques potentiellement néfastes de l'acidification progressive des eaux océaniques, en particulier à proximité des sites d'injection.
→ Pérennité non garantie
En l’état actuel des connaissances, un stockage permanent n’est pas garanti. Après plusieurs siècles, une partie significative du CO2 stocké réapparaît en surface.
L’efficacité du stockage profond dépend de la durée pendant laquelle le CO2 reste isolé de l’atmosphère. Il a été mis en évidence, grâce à des modèles de prédiction, que plus le CO2 est injecté profondément, plus longtemps il reste enfoui. Après 100 ans, 90% du CO2 injecté profondément est toujours dans l’océan. Après 500 ans, au moins 50%. Le graphique ci-dessous permet de se faire une idée précise des « délais » de retenue du CO2 par les océans en fonction de la profondeur d'injection. La proportion retenue tend à augmenter lorsque l'injection se fait à une plus grande profondeur. Pour accroître la rétention de CO2, on a vu qu’une solution consiste à former des hydrates solides ou des lacs liquides de CO2 au fond des océans, ceci en dissolvant des minéraux alcalins (comme le calcaire) ; avec cette solution, l'acidité serait neutralisée et le pH maîtrisé. Bien que cette technique soit intéressante (la durée de stockage serait de 10 000 ans, avec une modification minime du pH et de la pression partielle du CO2) elle nécessiterait une grande quantité de calcaire et la manutention consommerait beaucoup d'énergie.
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Evolution temporelle de la proportion de CO2 retenue dans les océans après 100 ans d'injection continue à trois profondeurs différentes,
basée sur plusieurs modèles océaniques (données source GIEC, 2005)
Le risque de rejet de CO2 à l’atmosphère est amplifié par les courants océaniques et les vents violents (tempêtes). La remontée vers la surface des eaux profondes riches en CO2 dissous est favorisée par ces phénomènes.
La cinétique de dispersion et de dissolution dans le cas d’une injection produisant un panache est encore mal connue. On ne peut pas écarter le risque d’une remontée intempestive trop rapide. Or, un largage massif d’une grande quantité de CO2 près d’une zone habitée aurait des conséquences humaines et écologiques graves.
L’efficacité du stockage de CO2 risque d’être limitée par l’impact du réchauffement climatique : en effet, celui-ci diminue la dissolution du CO2 dans les océans, puisque la solubilité du CO2 dans la mer décroît lorsque la température augmente. En cas d’augmentation de la température, la capacité à stocker le CO2 diminue et les océans se mettent à rejeter le gaz, qui à son tour viendrait accentuer le réchauffement climatique par effet de serre : un cercle vicieux !
→ Perception du grand public
Le manque de connaissances actuelles, donc de facilité à communiquer efficacement auprès du grand public, est un handicap pour convaincre une population par défaut méfiante, craignant les catastrophes (fuites …). Même si l’enquête que nous avons lancée auprès des lycéens de 1ère S de Saint-Alyre a recueilli un faible nombre de réponses - une vingtaine -, les résultats reflètent bien la sensibilité à la question du réchauffement climatique, le déficit d’information sur les techniques de PSC et sur la faisabilité du stockage au fond de l’océan en particulier, ainsi que les interrogations sur les impacts environnementaux et les risques technologiques.
→ Coût élevé
Les procédés sont coûteux à mettre en œuvre, de même que la réalisation des installations pilotes nécessaires pour valider les principes à grande échelle.
Il est nécessaire de prendre en compte le coût global d’une telle opération, qui se décompose en :
- coût du captage du gaz aux sources industrielles et aux installations de production d’énergie ;
- coût de la compression du gaz en liquide ;
- coût du transport par pipeline jusqu’aux océans
Diverses études ont été menées afin d'estimer les coûts des projets de stockage au fond des océans. Dans le tableau ci-dessous, le coût ne prend pas en compte le piégeage et l'acheminement du CO2 jusqu'à la côte. En revanche il inclut le transport par navire ou par gazoduc en mer, à quoi s'ajoute l'énergie requise. Pour de courtes distances, le gazoduc fixe s'avère la solution la moins coûteuse. Si les distances augmentent, le déversement par un navire en mouvement ou le transport jusqu'à une plate-forme est le plus intéressant.
Coût du stockage dans les océans à plus de 3000 m de profondeur (source GIEC, 2005)
Méthode
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Coût ($ États-Unis./tCO2 net injecté)
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100 km de la côte
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500 km de la côte
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Gazoduc fixe
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6
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31
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Navire en mouvement/plate-forme*
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12-14
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13-16
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La Figure ci-dessous donne une idée du coût des différents postes intervenant dans le PSC. Certains de ces coûts peuvent s’additionner (piégeage+transport+stockage).
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Fourchette de coût mini-maxi des éléments d'un système PSC exprimé en €/tCO2 (valeur 2002)
Au fur et à mesure que la recherche et les technologies progressent, les coûts tendent à diminuer.
L’estimation des coûts de stockage du CO2, qu’il soit géologique ou sous-marin, est faite à l’aide de modèles (de calculs). Il demeure une incertitude entre l’estimation et la réalité.
Le stockage du CO2 n’a d’intérêt que si le transport de celui-ci ou sa capture se fait sur la distance la plus courte vis-à-vis de la zone de stockage.
Il est judicieux d’évaluer la quantité de CO2 émise lors de l’acheminement du CO2. Si, pour un mode de PSC donné, cette quantité contribue à enrichir l’atmosphère en CO2 plutôt que de la réduire, alors ce mode ne saurait être justifiable dans le futur.